Entreprise au service de la société

Des entreprises de service … aux entreprises au service de …

 A l’origine de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ce sont les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée nationale qui ont écrit ce texte afin de rappeler au Gouvernement corrompu que les actes du pouvoir législatif et exécutif sont là pour le maintien de la Constitution et pour favoriser le bonheur de tous.

La responsabilité sociétale ne touche pas seulement les hommes qui travaillent avec et/ou pour l’organisation concernée et l’environnement immédiat ; elle prend part, par les effets du système économique global à une responsabilité éthique holistique. En effet, l’entreprise est confrontée aux interrogations que sont : l’épuisement des ressources naturelles, l’emballement technique, la transformation des paysages, le développement de procédés dont les effets ou les déchets ne sont pas toujours maîtrisés, la disparition des liens physiques de proximité entre le client et la personne à son service, la disproportion croissante entre les profits…

Les consommateurs au sein du Comité pour la Politique en matière de Consommation inquiets face aux pratiques de certaines multinationales et des conséquences que cela peut avoir sur les conditions de travail et de vie des populations ont soumis, en 2001, à leur organisation de tutelle l’ISO le projet de travailler globalement sur la Responsabilité Sociétale : une réflexion à l’échelle internationale est lancée.

Le parallèle est intéressant, il montre successivement un glissement d’un monde de sujets sous les monarchies, de citoyens avec l’avènement de la république puis de consommateurs au XXIe siècle. Le commerce est le plus petit dénominateur international commun aujourd’hui. A l’identité de l’homme moderne – du consommateur – appartient la création conjointe d’un espace public de délibération et de décision et d’un espace privé de vie familiale et d’intimité. Pour Paul Ricoeur[1], la plupart de nos contemporains se pensent d’abord comme consommateurs, puis comme travailleurs, enfin seulement comme citoyens, ce n’est là que le signe le plus voyant, le plus caricatural, de l’autodéception d’un grand projet. Le point commun, pour Fabienne Cardot[2], des différentes écoles philosophiques et sociologiques contemporaines qui s’intéressent à l’éthique est la fin des dieux – dieux des religions, dieu de la raison, dieu de la science – ce que Hans Jonas appelle le « vide éthique », où la quête toujours présente du bien, sans fondement s’imposerait.

L’élaboration de la norme ISO 26000 spécifique à la responsabilité sociétale des organisations à l’initiative des consommateurs est-elle une nouvelle forme d’investissement des individus et une re-naissance d’une certaine forme de démocratie ou de recherche, par l’homme au travail, de sens et de valeurs sans réponses toutes prêtes comme nous le suggère Edgar Morin[3] ?

1. Ethique et motivation de la Responsabilité Sociétale des Entreprises

L’initiation du mouvement de la RSE peut être datée des années 1970 mais c’est en 1987 avec le rapport « Our Common Future » et en 1988 avec l’invention de la méthodologie The Natural Step qu’une première prise de conscience et un début d’appropriation par les entreprises voit le jour. En novembre 2010, la parution de la norme ISO 26000 est venue renforcée cette démarche innovante.

1.1       Enjeux éthiques soulevés par différents « outils » RSE.

Le philosophe Xavier Thévenot[4], distingue une triple dimension de l’éthique : universelle, particulière, singulière.

1.1.1      Dimension universelle

Il y a des éléments très généraux de l’éthique que l’on retrouve chez tous les peuples et dans l’histoire. Ils correspondent à ce qu’il y a d’invariant et de constant dans la nature humaine, dans la personne. Quelles que soient en effet les différences qui existent entre les hommes de l’an zéro et nous, les uns et les autres sont des personnes. On peut exprimer ces invariants en termes de valeurs, de grands principes, d’idéaux, d’attitudes. Le fait de perpétuer la race fait parti de ceux là.

La démarche The Natural Step propose une vision du monde qui permet à l’homme de continuer à y vivre. De là, découle un choix stratégique dont dépend le fonctionnement de l’entreprise. On pourrait donc parler, dans ce cas, de la dimension universelle du jugement éthique qui s’appuie sur un idéal, ici la société de demain et la pérennité de l’humanité.

1.1.2      Dimension particulière

Les invariants, rapidement évoqué plus haut, n’existent cependant jamais à l’état pur. Ils se traduisent toujours d’une certaine façon dans les cultures, sous formes de principes seconds, de règles, etc. Ces normes sont donc flexibles, variables, évolutives, sans pour autant être arbitraires. Elles sont liées à la cohérence particulière d’une culture, à la fois transmise et transformée de génération en génération.

Dans les premières années l’ISO avait pour habitude de s’appuyer sur des normes nationales afin de les mondialiser plutôt que de développer directement ses propres normes. Les normes ISO ont d’abord concerné des produits, des matériaux (1er type de normes), puis des process de fabrication ou d’essai (2nd type de normes) et enfin des systèmes de management (3ième type). La norme ISO 26000 constitue vraisemblablement une norme du 4ième type pour Igalens[5]. Ainsi la RSE implique que soient compris et intégrés les intérêts supérieurs de la société, ce qui dans la norme ISO 26000 passe à la fois par le respect des obligations de toute nature qui s’imposent à l’entreprise (obligations internationales, nationales, conventionnelles, contractuelles) mais aussi par des engagements volontaires découlant notamment de la prise en compte des attentes des parties prenantes. Elle révèle une nouvelle forme d’éthique de la normalisation, une « métanorme » en quelque sorte, par une formalisation et une structuration des pratiques coutumières internationales en matière de responsabilité sociétale et un ordonnancement matriciel, fondé sur les droits de l’Homme.

Cette vision des choses conduit à penser que l’on est dans une culture mondialisée se rapprochant de la dimension particulière du jugement éthique.

1.1.3      Dimension singulière

Les situations concrètes sont toujours singulières. Chaque personne constitue déjà un mystère ; les circonstances d’un acte ne sont jamais exactement les mêmes ; la façon de se situer dans chaque situation sera donc personnelle et unique, sans pour autant être irresponsable.

Le Global Performance System (GPS) du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) est un autodiagnostic centré et complété par le chef d’entreprise. Il vise ainsi à inscrire l’entreprise dans une démarche collective de transparence et de progrès, favorise l’échange de bonne pratique. Le GPS repose sur la personne qui est le dirigeant, son intégrité et sa volonté de progresser. On pourrait donc parler de la dimension singulière du jugement éthique qui s’appuie sur l’individu.

1.1.4      La complémentarité des « outils » RSE

Ces trois dimensions ne s’opposent pas. En fait, elles cohabitent, la tâche de l’éthique étant de tenir compte à la fois de l’universel, du particulier et du singulier. L’œuvre morale est le fait d’une conscience, qui tout en étant attentive à sa singularité, tient compte de la communauté (la culture ici mondialisée) et de l’humanité dans son ensemble.

Pour poursuivre la comparaison entre les outils recensés et les trois dimensions du jugement éthique, on peut avancer que : le dirigeant, en tant que personne, porte des valeurs, une vision qui influence son travail et son entreprise. Celle-ci s’inscrit dans une communauté qui est de plus en plus étendue du fait des facilités de communication et d’échange d’aujourd’hui. L’humanité dans son ensemble et son avenir dépend des choix individuels et collectifs que les dirigeants et leurs entreprises font aujourd’hui. Ces trois « outils » sont donc, à l’instar des jugements éthiques, complémentaires car ils portent des approches qui n’ont pas les mêmes entrées.

1.2       De la Responsabilité Sociétale comme un ajustement nécessaire…

1.2.1      La RSE et ses avantages[6]

Selon un sondage publié en 2008 par « Economist Intelligence Unit (Canada) », mené auprès de 1200 dirigeants d’entreprise de partout dans le monde, et qui prévoyaient profiter de la mise en œuvre de stratégies et de politiques dans le domaine de la RSE, les six principaux plus grands avantages mentionnés étaient :

– la capacité d’attirer des nouveaux clients,

– une plus grande valeur pour les actionnaires,

– une rentabilité accrue,

– la capacité à gérer les risques,

– des produits et des processus de meilleure qualité et,

– la capacité à recruter des employés de premier choix.

Mais il y en a encore d’autres avantages significatifs :

*Achats : Meilleur accès aux ressources, renforcements des relations avec les fournisseurs,

*Activités commerciales : Meilleur accès aux capitaux, profitabilité, contrôle de gestion, fierté des clients,

*Opérations : Réduction de l’impact social et environnemental des activités, relation de bon voisinage avec les associations locales,

*Actifs : Sécurité des actifs, valorisation de l’entreprise et intéressement des actionnaires présents et/ou futurs,

*Marketing : Développement des marchés, existants et nouveaux, renforcement de l’image de la ou des marques, avantage concurrentiel,

*Corporate : Ce terme n’est malheureusement pas bien traduit dans la dénomination RSE, mais l’identité « corporate » n’en est qu’améliorée,

*Institutions : Influence et reconnaissance, meilleurs investissements sociaux et citoyens, développement de nouveaux réseaux et canaux de communication, réputation,

*Management : Meilleures gestions des risques, mise en conformité légale (devoir) et plus encore (la RSE étant volontaire), développement stratégique et apprentissage organisationnel, innovation,

*Ressources Humaines : Ressourcement, gestion des questions hygiène et sécurité, développement du capital humain, sécurité du personnel, fierté de celui-ci, qui ne voudra plus partir ou voudra venir travailler pour vous,

*Actionnaires : Fidélité puisque la valeur immatérielle de votre entreprise augmentera.

1.2.2      La nécessité de communiquer : une contrainte dictée par la concurrence

La pression de communication RSE exercée par les concurrents est très forte. Le besoin de se positionner de façon visible sur cette thématique vient donc en grande partie de l’extérieur. Ceci dit, même si le chapeau « RSE » n’était pas mis jusqu’à présent en avant ; un nombre important de décisions et d’actions prises par les entreprises étaient et continuent d’être dans une logique de développement durable.

1.3       …à la Responsabilité Sociétale comme enjeu stratégique

1.3.1      Des études de marché qui parlent d’une tendance de fond

L’étude d’Ethicity de 2012[7] nous apprend que 92 % des français pensent que les entreprises doivent avoir un rôle d’exemplarité pour leurs consommateurs et 70 % d’entre eux privilégient les marques qui ont une véritable éthique.

Par ailleurs la mobilisation des collaborateurs et l’appartenance à une structure dont on peut être légitimement fier est un atout considérable. De plus en plus de personnes cherchent à mettre du sens à leurs actions, dans leur travail. François Lemarchand[8], le président fondateur de Nature et Découverte, en parle ainsi : « Il s’agit d’une véritable philosophie… nous nous efforçons de raconter dans les catalogues et sur les étiquettes qui figurent sur nos produits, l’histoire des objets pour que nos clients comprennent les raisons qui nous ont poussés à les référencer dans nos magasins. (…) Ce produit à bien évidemment un usage mais également une raison d’être. L’objet doit être un prétexte à une leçon de choses. (…) De cette manière, l’objet devient porteur d’un message et d’une manière d’être. ».

1.3.2      De nouveaux objectifs pour les entreprises ?

Examinons, avec Arthur Dahl[9], les valeurs et principes opérationnels nouveaux et nécessaires qui seraient à la base d’une société plus durable. « A un niveau individuel, ils sont déjà apparents : si nous voulons améliorer les relations humaines, nous avons besoin de plus d’amour, davantage d’altruisme. Nous avons besoin d’un sens de la justice, d’une volonté de partager les richesses et de faire des sacrifices. Nous avons besoin de solidarité envers la race humaine et d’un sens du service envers toute l’humanité. Nous avons besoin d’une éthique de travail basée sur des principes spirituels. Nous avons également besoin de modération et de savoir se contenter de moins de biens matériels. Si nous voulons atteindre la durabilité, si nous voulons partager les ressources efficacement à travers le monde et permettre à chacun de se développer de telle sorte que la richesse soit accessible à tous, nous devons changer nos valeurs relatives aux biens matériels et choisir de voir la richesse redistribuée de façon à voir réduire les dangereux extrêmes de richesse et de pauvreté. Nous devons devenir dignes de confiance et plus respectueux envers la création et tout notre environnement. Au niveau individuel, plus nous renforcerons ces valeurs en chacun de nous, plus nous serons équipés des bons principes opérationnels pour construire une société durable. »

« Ceci est également vrai dans le domaine institutionnel, car ces mêmes valeurs s’appliquent au monde des entreprises. » Toujours, pour Arthur Dahl, « nous pouvons créer, au niveau des entreprises, un sens du service à la société et reconnaître que les entreprises n’existent pas seulement pour faire de l’argent, mais aussi pour servir la société. Nous pouvons encourager la valeur du service dans les entreprises. Les systèmes économiques peuvent facilement s’adapter à une orientation de service, mais uniquement si le but s’étend au-delà de la recherche de profit. Si tel est le cas, la force motrice des entreprises deviendra bien plus constructive qu’elle ne l’est actuellement. »

« Les entreprises doivent également prêter plus d’attention à la gestion durable des ressources naturelles, » poursuit Arthur Dahl. « Celles-ci devraient être comptabilisées comme capitaux. Comme dans la gestion de tout compte capital, les pertes nettes doivent être évitées. L’activité de l’entreprise ne devrait pas produire de perte nette pour aucun de ses comptes capitaux, que ce soit des comptes économiques, des comptes humains ou des ressources. De la même façon, les entreprises devraient éviter tout transfert net de coût au détriment des générations futures ou d’autres régions du monde. Les comptes de chaque génération devraient au final être équilibrés. Ceci exige évidemment de nouveaux systèmes de comptabilité permettant de calculer ces différents comptes et constitue un grand défi pour notre société. »

« Les entreprises peuvent fournir le leadership nécessaire à faire avancer la société dans une direction plus constructive. L’influente société occidentale doit s’éloigner de l’ultra-matérialisme et du consumérisme excessif et ainsi simplifier son mode de vie et améliorer son fonctionnement ». « Par une plus grande simplicité de nos vies, » affirme Arthur Dahl, « et une meilleure efficacité, nous pouvons maintenir la même qualité de vie en réduisant par un facteur dix notre consommation d’énergie et de ressources. Ainsi, un des défis des entreprises est de trouver les moyens d’accroître leur efficacité, de réduire l’utilisation des matériaux, d’augmenter la production de services et de soutenir les processus de recyclage. Ce faisant, nous pourrons atteindre ces objectifs réalistes mais techniquement ardus. »

« Le monde des affaires joue un rôle essentiel en nous aidant à voir le monde dans une perspective systémique ». Cette perspective est, pour Arthur Dahl, indispensable pour avancer vers une société plus durable. « Nous y parviendrons en rétablissant des règles opérationnelles de base justes et en laissant le système évoluer. Si notre plus grand défi demeure dans le domaine économique, c’est parce que les règles actuelles qui gouvernent ses opérations sont en parfaite contradiction avec les besoins réels de la société. En bâtissant des entreprises durables, nous créons des économies plus durables et nous déclenchons les processus nécessaires pour parvenir à une civilisation plus durable. »

Une vision comme celle-là : l’entreprise créatrice de valeurs ajoutées et au service de la communauté, implique non seulement un plan d’action précis mais une stratégie de base solide et ancrée. Cette stratégie reprendrait les missions de l’entreprise et les conditions qu’elle se propose de remplir pour y parvenir. Dans cette lignée, Marc Luyckx Ghisi[10] affirme qu’il « travaille personnellement avec des chefs d’entreprise qui se sont mis à l’écoute de leur intelligence intérieure et ont basculé vers une vision nouvelle de l’entreprise où le profit n’est qu’une conséquence de l’utilité sociale et environnementale de l’entreprise ».

2. L’entreprise au service de qui ?

En pensant encore à plus long terme aux relations naissantes entre l’entreprise et la société, nous citerons Willis Harman :

« L’entreprise est devenue, dans la première moitié de ce siècle, l’institution la plus puissante de la planète. L’institution dominante dans n’importe quelle société doit assumer une responsabilité pour tous comme le fit l’église à l’époque du Saint Empire Romain. Mais l’entreprise n’a pas eu une telle tradition. C’est un nouveau rôle qui n’est pas encore vraiment compris ni accepté ».

Dirigeants d’hier et d’aujourd’hui, les besoins en terme de développement des entreprises ne sont pas immuables dans le temps. Au début il fallait produire donc les dirigeants étaient des ingénieurs, puis vendre donc les dirigeants étaient commerçants, puis il a fallu gérer et il sont devenus gestionnaire et enfin financer et l’entreprise à fait appel aux financiers…Aujourd’hui, le besoin est d’écouter donc les dirigeants performants sont des humanistes

Il serait faut de dire que les entreprises n’ont plus besoin d’ingénieurs, de commerciaux, de gestionnaire et de financiers, simplement toutes ces fonctions sont intégrées au fonctionnement des entreprises performantes actuelles.

2.1      Goodwill ou la « survaleur » de l’entreprise

Alan Fustec[11] apporte une approche plus ouverte de la valeur d’une entreprise et par conséquent de sa réussite. En résumé, il nous propose de procéder à une notation qualitative des actifs immatériels d’une entreprise avant leur évaluation financière.

Les 9 actifs immatériels retenus sont : le capital client ; le capital humain ; le capital organisationnel ; le système d’information ; le capital savoir ; les marques ; le capital partenaire ; le capital actionnaire ; le capital environnemental.

Il faut tout cela pour produire et vendre. La réunion de ces actifs constitue une entité, l’entreprise, émettrice de produits et de services et réceptrice de chiffre d’affaires en retour.

Le Goodwill, étant appelé aussi survaleur ou écart d’acquisition, est la différence entre l’actif du bilan d’une entreprise et la somme de son capital immatériel et matériel valorisée à la valeur de marché.

Cette approche tient compte de la valeur d’une entreprise au delà de son bilan comptable et tient donc compte en grande partie des hommes et de leur qualité qui la compose.

2.2       L’économie de la fonctionnalité[12]

L’économie de fonctionnalité consiste à remplacer la notion de vente du bien par celle de la vente de l’usage du bien, ce qui entraîne le découplage de la valeur ajoutée et de la consommation d’énergie et de matières premières.

Pour mieux comprendre l’histoire de l’économie de fonctionnalité, quelques références clés sont proposées par le site economiedefonctionnalite.fr

Clarence Edwin Ayres fut un philosophe et sociologue universitaire américain (1891-1972) a, le premier, dénoncé la fausse proportionnalité entre croissance et consommation de ressources matérielles :

« La tendance historique de proportionnalité entre croissance économique et consommation énergétique matérielle doit être terminée. En fait, cette proportionnalité n’existe pas, elle est simplement supposée. Les lois de la nature n’imposent aucun besoin minimal – ni de masse, ni d’énergie – pour produire une unité de PNB. »

Les 7 questions fondamentales qui sont la problématique d’aujourd’hui et qui le seront pour les prochaines années peuvent se formuler de la façon suivante :

  • Comment faire face à l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières ?
  • Comment restaurer ses marges avec un chiffre d’affaires en retrait ?
  • Comment vaincre la résistance au prix tout en augmentant ses marges ?
  • Comment faire face à une compétitivité mondiale exacerbée ?
  • Comment changer de modèle pour faire face à la crise économique qui appelle des adaptations structurelles ?
  • Comment réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre ?
  • Comment concilier réussite économique et responsabilité écologique ?

Telles sont aussi les questions auxquelles l’économie de fonctionnalité apporte des réponses opérationnelles et sont raisons pour appliquer l’économie de fonctionnalité dans toute entreprise ou organisation, sachant que fournisseurs et utilisateurs de produits y trouvent également leur compte.

Si la crise que nous vivons a eu un déclencheur financier majeur, elle a aussi d’autres causes que l’économie de fonctionnalité permet de traiter parce que, pour s’adapter à la nouvelle époque, il faut passer de l’économie du chiffre d’affaires à l’économie de la valeur ajoutée.

Le modèle économique des années 2010 c’est la synergie entre réussite économique et responsabilité écologique par centrage sur la valeur ajoutée, sur la notion d’usage du produit pour le client et non de possession rendue factice par un renouvellement forcé des produits. La main d’œuvre de nouveau considérée comme une source de profit car permettant de réduire le poste énergie et matières premières, désormais hors de contrôle.

2.3       B Corporation[13] : entreprise nouvelle génération

« B Corps » ou « Benefit Corporations »: une nouvelle génération d’entreprises au service du bien commun. Derrière ce label et une nouvelle forme d’entreprise aux États-Unis, un mouvement de fond est en train de voir le jour avec des entreprises qui entendent utiliser le pouvoir du business pour créer un « bénéfice public », social ou environnemental, au service du bien commun.

« Faire évoluer le capitalisme », c’est ce que souhaite Jay Coen Gilbert, fondateur américain du B Lab et premier promoteur des B Corporations. Il s’agit de passer d’un capitalisme du XXe siècle, dont la seule règle est de créer de la valeur pour les actionnaires, à un capitalisme du XXIe siècle qui prend en compte l’intérêt des travailleurs, des communautés locales et de l’environnement au même titre que celui des actionnaires.

Leur slogan : « Nous ne voulons pas être les meilleurs du monde, mais les meilleurs pour le monde ! »

Dans le contexte perturbé que nous vivons aujourd’hui, l’arrivée d’un quatrième secteur avec les B Corps, alimente le débat sur la finalité de l’entreprise et son rôle croissant dans les réponses globales à proposer à la société. C’est également une manière de nous remettre, chacun, dans un rôle d’acteur d’un monde qui bouge et semble parfois nous échapper.

En fait, derrière cette appellation se trouvent deux réalités différentes : aux États-Unis, il s’agit d’une nouvelle structure juridique d’entreprise, modèle hybride entre une entreprise classique (par exemple une C-Corp, équivalent de notre SA en France) et une association sans but lucratif. Cette nouvelle structure légale permet d’apporter une protection légale aux entreprises qui considèrent que les résultats ne se mesurent pas uniquement en termes de profits, mais qui veulent avoir des objectifs pour créer un réel impact positif sur la société et l’environnement. Le Maryland a été le premier État américain à intégrer ce dispositif dans sa législation en avril 2010.

Les entreprises B Corp sont un nouveau genre d’entreprises dont les obligations fiduciaires sont redéfinies afin de prendre en compte l’intérêt des travailleurs, des communautés locales et de l’environnement. Elles rendent ainsi compte publiquement chaque année de leurs performances sociales et environnementales en utilisant une norme standard indépendante, compréhensible, crédible, et transparente.

Les B Corps ne seraient pas nés sans la controverse judiciaire qui obligea les créateurs du glacier Ben & Jerry’s à vendre leur entreprise à Unilever en 2000 malgré leurs refus réitérés et leur volonté de construire une entreprise différente aux principes respectueux de l’environnement et des communautés locales bien marquées : ingrédients bio, commerce équitable, empreinte carbone réduit, transparence et partage avec les employés, don d’une partie importante des bénéfices à la communauté…

La Cour Suprême des États-Unis obligea en effet ses fondateurs Ben Cohen et Jerry Greenfield à accepter l’offre de 326 millions de dollars d’Unilever, car ils furent dans l’incapacité de démontrer que leur modèle pourrait générer autant d’argent que le montant proposé par la multinationale. La loi établissant que le rôle premier d’une entreprise est de maximiser ses profits pour les actionnaires, refuser une telle offre devenait hors-la-loi !

La troisième initiative du B Lab a une portée plus universelle encore. Dans un monde où le scepticisme règne en maître et où le « green washing » a parfois fait place au « social washing », il est légitime d’avoir une certification indépendante permettant de souligner l’engagement durable et responsable d’une entreprise pour avoir un réel impact positif sur la société et l’environnement.  C’est le label B Corporation.

Pour se faire certifier, l’entreprise doit répondre favorablement à au moins 80 critères sur 200 points du questionnaire B Impact Assessment. Plus de 600 entreprises opérant dans 60 secteurs d’activité différents dans 15 pays sont aujourd’hui certifiées.

2.4       L’entreprise de demain au service de la société

En s’appuyant sur ce qui a été écrit jusqu’à présent, sur mes observations et mes propres idées, je propose maintenant une vision de l’entreprise dans l’esprit d’une société au service de la société. Cette vision n’étant nullement en opposition à des notions de rentabilité et de croissance économique.

  • Un élément structurant

Une entreprise au service de la société.

  • La mission (exemple)

« [Nom de l’entreprise] s’appuie sur une véritable philosophie ; celle d’œuvrer pour aider tout ceux qui cherchent à améliorer la condition matérielle de l’homme et de permettre son évolution spirituelle. Depuis sa création, elle est au service de la société avec des femmes et des hommes passionnés. Tous ont la volonté de faire partager au plus grand nombre une autre façon de….. »

Texte basé sur les propos de Henry Charles Geoffroy, fondateur de La Vie Claire en 1946.

  • Les métiers (exemple)

Le produit ou le service phare est vendu en respect des hommes et de la nature. L’offre est complétée par de la formation, de l’édition, de l’information à l’intention entre autre des clients.

« Nous sommes ce que nous avons pensé être » nous enseigne l’homme sage.

Si l’entreprise se définit par ce qu’elle fait (son métier), son potentiel d’évolution dans le sens d’un développement durable sera probablement difficile à mettre en œuvre ; de même la réussite vis-à-vis des enjeux auxquels l’entreprise ne manquera pas de faire face à l’avenir sera fragilisée par une approche trop étroite.

Si, par contre, elle se définit par une mission, un objectif, des valeurs ; alors une vision plus large est prise en compte, l’avenir n’est plus vu par le même prisme et les problèmes auxquels elle est confrontée seront plus aisément résolus car vus à un niveau supérieur.

Conclusion

Richard Barrett[14] nous propose 7 Niveaux de la Conscience Personnelle que je mets volontiers en parallèle aux niveaux que peut atteindre un groupe d’homme tel qu’une entreprise aux services de la société.

 

 

Elisabeth Laville[15] affirme : « En amorçant une démarche de développement durable, l’entreprise prend des engagements sociaux et environnementaux qui dépassent largement la vision traditionnelle de sa fonction économique. Cette réorientation représente souvent l’amorce d’une révolution culturelle : c’est pourquoi elle n’est possible qu’au prix d’un engagement personnel et fort des dirigeants de l’entreprise. Il est en effet essentiel que les employés comprennent qu’il s’agit non pas d’une mode de management de plus, comme certains ont tendance à le croire, mais véritablement d’un pilier stratégique pour l’entreprise ».

Pour aller plus loin, on peut également considérer qu’une organisation est constituée dans le but d’atteindre un objectif commun, de permettre une bonne communication entre ses membres et de favoriser le développement des capacités de chacun. En conséquence, le travail sert à produire (un bien, un service), il contribue à la santé morale et mentale des individus et favorise leur santé spirituelle comme le suggère Georges Starcher[16]. Avec cette acceptation de l’organisation, la RSE trouve son utilité pour défendre l’idée que cette organisation est plus qu’un simple regroupement de personnes afin d’atteindre un objectif commun. Dans un contexte de responsabilité sociétale, le but d’une entreprise est de créer des bénéfices mais pas à n’importe quel prix. Elle s’impose alors de le faire dans la légalité, de façon loyale afin d’apporter globalement des services à la société.

« Une bonne entreprise est celle qui distribue de bons produits et des bons services,

une grande entreprise distribue d’excellent produits et services,

et s’efforce de créer un monde meilleur. »

Bill Ford, 1998

 

Gilles CAVALLI

[1] RICOEUR Paul (2007), Lectures I, in Anthologie, 370 p

[2] CARDOT Fabienne (2006), L’éthique d’entreprise, Collection Que sais-je au Presse Universitaire de France, Paris, 127 p

[3] MORIN Edgar (2004), L’éthique, La méthode 6, Le Seuil, Paris, 271 p

[4] THÉVENOT Xavier, (1990), Repères éthiques, Paris, Salvador, cité par Guy Durand, Laval théologique et philosophique, vol. 50, n° 3, 1994, p. 467-480. http://www.erudit.org/revue/LTP/1994/v50/n3/400865ar.pdf

[5] IGALENS Jacques (2010), Norme de responsabilité et responsabilité des normes : le cas de l’ISO 26000, Revue Management et Avenir pp 91 à 104.

[6] http://www.csrandmanagement.eu/rse-avantages.php

[7] Les français et la consommation responsable 2012 – Etude Ethicity menée en partenariat avec Aegis Media Expert.

[8] LEMARCHAND François, (2008) Hors du développement durable, pas d’avenir pour les entreprises, Edition Milan, Toulouse, 120 p.

[9] DAHL Arthur (2007), Le défi de développement durable et de la prospérité, EBBF, Paris, 24 p.

[10] LUYCKX GHISI Marc, (2010) Surgissement d’un monde nouveau, Edition Alphée, Bruxelles, 240 p.

[11] Fustec Alan, (2006) Valoriser le capital immatériel de l’entreprise, Editions d’Organisation, Paris, 174 p.

[12] http://economiedefonctionnalite.fr/definition-avantages/definition-detaillee/#more-20

[13] http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/management/organisation/221157433/b-corporations-nouvelle-generation-entreprises

[14] http://www.valuescentre.com/

[15] LAVILLE Elisabeth, (2007), L’entreprise verte : le développement durable change la vie pour changer le monde, Pearson éducation France, Paris, 352 p.

[16] STARCHER George (2002), Valeurs nouvelles pour une économie mondiale, Européan Business Forum, Paris, 12 p.